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Un outil pour l'agriculture et le climat

Le constat climatique mondial

L’Accord de Paris (ONU, 2015), conclu en décembre 2015, a entériné l’objectif mondial de limiter l’élévation de la température par rapport à l’ère préindustrielle sous les 2°C, voire à la limiter à 1,5 °C.

Dans le cadre du Greendeal (Regulation 2021/1119, UE, 2021), l’Union Européenne s’est fixé comme objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 avec, comme étape intermédiaire, de réduire ses émissions de GES d’au moins 55% d’ici à 2030 (fit for 55).

Le 6ème rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) du 4 avril 2022 a souligné la nécessité d’une action drastique, immédiate et mondiale dans tous les secteurs pour éviter de dépasser cette limite de réchauffement, alors que les émissions sur la période 2010-2019 n’ont jamais été aussi importantes dans l’histoire de l’humanité.

Et en Wallonie ?

Wallonie

Au niveau wallon, la déclaration de la politique régionale de Wallonie 2019-2024 reprend l’objectif climatique ‘fit for 55’ et, de manière plus générale, l’ambition d’amplifier le Plan Air Climat Énergie (PACE).

La nouvelle version de ce plan (PACE 2030) engage résolument la Wallonie dans un processus de transition afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et autres polluants atmosphériques, développer les énergies renouvelables, améliorer l’efficacité énergétique et augmenter la résilience face aux impacts présents et futurs des dérèglements climatiques, et ce pour l’ensemble des secteurs d’activité.


Quelles responsabilités pour l'agriculture ?

L’incidence de l’agriculture sur l’environnement ne peut toutefois se limiter à l’empreinte carbone. Plus de 90% des émissions d’ammoniac sont d’origine agricole en Wallonie (AWAC, 2022). Elles sont issues de processus fermentaires en milieu anaérobie dans les bâtiments, au pâturage, lors du stockage et de l’épandage des engrais de ferme. L’ammoniac participe à l’acidification et à l’eutrophisation du milieu et est à la base de la formation de particules secondaires. Il peut diminuer les performances zootechniques des animaux et être à l’origine de problèmes de santé humaine (asthme...). L’activité agricole est par ailleurs grande consommatrice d’énergie ce qui, en plus de l’impact environnemental, la rend d’autant plus sensible aux fluctuations des marchés. Des différences importantes dans la consommation énergétique entre exploitations de même type existent et doivent servir à identifier les pistes d’amélioration à l’échelle des exploitations.

Le secteur agricole doit, comme tous les autres, limiter ses propres émissions malgré le fait qu’il peut également contribuer au stockage de carbone. En 2021, l’agriculture wallonne était responsable de 13% des GES de la Wallonie (AWAC, 2020), soit 4465 kt CO2eq. Un peu moins de la moitié de ces émissions sont émises sous forme de méthane (45%), une autre petite moitié sous forme de N2O (45%) et les 10% restants sous forme de CO2. La réduction envisagée pour le secteur agricole dans le PACE 2030 est de 30% des émissions de GES par rapport à 2005.

Quelles solutions pour évoluer ?

Évaluer ses émissions pour mieux comprendre

Pour quantifier les efforts qui sont et seront fournis par le secteur, la Wallonie souhaite se doter d’un outil d’évaluation des émissions à l’échelle de l’exploitation agricole. C’est l’objectif de l’outil DECiDE, que développe le Centre wallon de Recherches agronomiques depuis 2010.

Aujourd’hui, en se basant sur la méthode d’analyse de cycle de vie, DECiDE permet d’évaluer l’empreinte carbone, les émissions d’ammoniac et la consommation énergétique d’une exploitation agricole et de les rapporter par unité de production ou par hectare. Il prend non seulement en compte les émissions directes, émises sur l’exploitation, mais également les émissions indirectes occasionnées par exemple par les transports ou la production des intrants.

Il intègre des indicateurs techniques et un outil de comparaison des postes d’émission par rapport à d’autres exploitations afin d’identifier les forces et les faiblesses à l’échelle de la ferme et de faciliter la définition d’un plan d’actions.

À l’avenir, le projet DECiDE+ (2022-2024) perfectionnera cet outil afin qu’il prenne mieux en compte l’incidence des pratiques agricoles et les spécificités de notre agriculture, tout comme l’incidence des mesures mises en œuvre par le politique, par le biais notamment des écorégimes et des MAEC. D’autres indicateurs seront développés et intégrés dans l’outil afin d’élargir cette évaluation environnementale et faciliter le choix des stratégies opportunes dans le cadre de la transition agroécologique.


S’il est important de s’assurer de la cohérence globale de la transition de nos modes de production sur le plan environnemental, les critères socio-économiques ne peuvent être négligés et doivent également entrer en ligne de compte dans l’évaluation globale de la durabilité. La crise géopolitique liée au conflit en Ukraine nous a montré la sensibilité du secteur agricole face aux prix de l’énergie. Ces coûts impactent non seulement les coûts directs de l’exploitation (électricité, carburant...), mais également les prix des intrants (aliments, engrais...).

Ainsi, le tourteau de soja et l’ammonitrate ont fluctué respectivement d’un facteur 2 et d’un facteur 5 en un peu plus d’un an (source : web-agri, 2022). D’autre part, l’agriculture wallonne ne peut se concevoir sans agriculteur et une analyse globale se doit de considérer les indicateurs sociaux tels que le temps et la pénibilité du travail, l’identité de l’agriculteur ou encore leur implication sociale...

Le projet DECiDE+ permettra d’intégrer dans l’outil des indicateurs liés aux dimensions économique et sociale. Ces indicateurs seront réfléchis pour être en adéquation avec le projet de transformation des données du RICA (Réseau d’Information Comptable Agricole ou FADN : Farm Accountancy Data Network) en un réseau de données lié à la durabilité des exploitations agricoles (FSDN – Farm Sustainability Data Network) annoncé par l’Union européenne dans le cadre de la stratégie ‘Farm to Fork’.